Opinions / Rédacteur sans filtre - Toi aussi, mon fils (Tu quoque mi fili) !

Au-delà de leur rigueur journalistique et de leur point de vue de professionnels de l’automobile, les membres de la rédaction sont avant tout des automobilistes et des citoyens lambda. Dans « Rédacteurs sans filtre », c’est le cœur qui s’exprime avant tout ! Aujourd'hui, c'est au tour de Werner Van Kerckhoven de remettre en question le choix de Toyota de nous commercialiser la nouvelle Prius uniquement en tant que PHEV.

La première Toyota Prius. Elle avait l'air affreuse, et pourtant elle m’a touché au cœur. Après seulement quelques mètres, j'étais convaincu. Fan de Prius à vie, c'est ce que je pensais à l'époque... Mais comme un cadeau de Saint-Nicolas non désiré, la nouvelle est tombée récemment au fond de la cheminée : la cinquième génération du pionnier de l'écologie hybride ne sera en vente chez nous que dans une de ces maudites versions plug-in. La Prius aurait-elle vraiment vendu son âme au diable, pour une poignée de pièces d’or ?

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Même si le PHEV peut s'avérer pratique pour les constructeurs automobiles, il tourne en dérision tout ce que représente la Toyota Prius. Un transport familial avec une empreinte carbone minimale, voilà ce qu'est la Prius depuis plus d'un quart de siècle. Une batterie dix fois plus grande qui nécessite l'extraction et le traitement de toutes sortes de matériaux nuisibles à l'environnement ne fait pas vraiment partie de ce tableau. Une puissance totale de 223 ch et un sprint de 0 à 100 km/h en 6,7 s le sont encore moins.

Parce qu'une Prius ne doit pas du tout vous inviter à rouler vite, au contraire : elle vous encourage à ralentir et à économiser un peu plus de carburant... Cela aussi est un élément essentiel de sa mission verte. Et c'est aussi une grande partie de son charme, pour autant que vous soyez prêt à relever le gant et à accepter le défi de faire baisser la courbe de consommation autant que possible.

Bonnes notes facilement

Je me console en me disant qu'ils doivent aussi être ennuyés par cette décision chez Toyota Europe. Parce que choisir un PHEV, c'est le faire contre son gré, bien sûr. C'est une « nécessité » parce que l'Europe veut que les constructeurs automobiles réduisent drastiquement les émissions de leur flotte dans les années à venir : la proposition Fit for 55 sur la table stipule que la moyenne de la flotte de 95 g/km doit être encore réduite de 15 % d'ici 2025... et de 55 % d'ici 2030. C'est un objectif carrément inaccessible pour les voitures qui ont également un moteur à combustion interne à bord ; même les meilleures hybrides autorechargeables sont facilement à 110 g/km et plus selon le cycle de mesure WLTP.

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Et c'est là qu'interviennent ces PHEV, qui peuvent avancer des chiffres de consommation et d'émissions bas – mais irréalistes – grâce à une faille dans la procédure de mesure... Et ainsi entrer dans les clous. Certes, si vous rechargez invariablement entre les trajets, que vous conduisez à peine au-delà de l'autonomie électrique de votre hybride rechargeable et que, pendant ce temps, vous empêchez le moteur à combustion de se mettre en marche, vous finirez par vous rapprocher de ces chiffres officiels. Mais en fait, vous aurez alors fait le mauvais choix : pour un tel profil d'utilisation, une voiture électrique (VE) est un choix plus judicieux.

Le grand mot est lâché : le VE. Étant donné la direction que prend (obligatoirement) le secteur automobile, la Prius n'aurait-elle pas dû être, en 2023, une voiture électrique progressiste qui mise tout sur l'efficacité énergétique ? Une sorte de Lightyear Zero pour le grand public, un contrepoids à tous ces VE beaucoup trop lourds et beaucoup trop puissants qui nous sont proposés en masse ? Oui, la nouvelle Toyota Prius Plug-In Hybrid sera sûrement une excellente voiture, je n'en doute pas, mais ce n'est plus la pionnière que sa grand-mère était.

* Toi aussi, mon fils (Tu quoque mi fili) : est une phrase attribuée à Jules César qu'il aurait prononcée lors de son dernier souffle en découvrant son fils adoptif Brutus parmi ses assassins conspirateurs.