L’accroche «L’Europe contre-attaque» en couverture de ce numéro du Moniteur Automobile, à propos de la Renault Twingo E-Tech et du Porsche Cayenne EV, pourrait prêter à sourire tant elle semble naïve face au rouleau compresseur chinois. C’est vrai… mais nous l’assumons. Parce qu’à un moment donné, il faut bien qu’une réplique s’organise. Et si celle-ci prend forme ici, même timidement, cela mérite d’être souligné. Le réalisme impose toutefois de rappeler à quel point la situation est aujourd’hui déséquilibrée: le déficit commercial de l’Europe vis-à-vis de la Chine a récemment dépassé la barre des 300 milliards d’euros, tous secteurs confondus, et il a doublé en 10 ans. Un chiffre colossal.
Nos usines automobiles historiques ferment les unes après les autres — inutile de rappeler la longue litanie des fermetures en Belgique au cours des vingt dernières années. La prochaine sur la liste semble être l’usine Ford de Saarlouis, en Allemagne, où la production de la Focus cessera dans les mois à venir. Pendant ce temps, le géant BYD, surgi de nulle part en 2003, entend renforcer sa capacité de production de voitures électriques et hybrides… en Europe, grâce à une usine en construction en Hongrie. Sans pour autant créer beaucoup d’emplois, car la fabrication d’un véhicule électrique est automatisée – robotisée – à 90 %.
En 2019, l’Union européenne importait pour 58,5 millions d’euros de véhicules électriques produits en Chine. En 2023, ce montant atteignait 9,7… milliards !
Rouleau compresseur, disions-nous ? Les chiffres de l’ACEA parlent d’eux-mêmes: en 2019, l’Union européenne importait pour 58,5 millions d’euros de véhicules électriques produits en Chine. En 2023, ce montant atteignait 9,7… milliards d’euros. Que peuvent faire nos marques historiques face à cela? Se réinventer, innover, émouvoir, séduire, et proposer des produits pertinents dans un contexte où le pouvoir d’achat est mis à mal. La Renault R5 E-Tech Electric a joué avec succès la carte «nostalgiqu-E» puisqu’elle est devenue l’électrique la plus vendue sur plusieurs marchés (France, Royaume-Uni, Espagne…) et s’est hissée dans le Top 5 en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas. Quant à la Twingo E-Tech Electric, le véritable buzz qu’elle a généré sur nos réseaux sociaux — plus de 1,2 million de vues cumulées sur Facebook, Instagram et TikTok — laisse penser qu’une partie du public l’attend déjà, séduite par sa bouille sympathique et sa technologie électrique abordable.
Certains de ses composants proviennent certes encore… de Chine, mais son assemblage, lui, est réalisé en Europe. Preuve que cela peut fonctionner, et que l’Europe n’a pas dit son dernier mot, ni renoncé d’avance. Dans ce contexte, est-il opportun de réclamer — sous prétexte de (grosses) difficultés passagères — un report de l’échéance de 2035 concernant l’interdiction des moteurs thermiques, ou au minimum un assouplissement? Pas sûr. Car comme le rappelait récemment Stella Li, vice-présidente de BYD: «Celui qui n’investit pas aujourd’hui dans l’électrique disparaîtra demain.»