En 2023, la Fiesta a quitté Cologne pour laisser place aux Explorer et Capri électriques, deux modèles sensiblement plus chers. En 2024-2025, la Focus s’efface à son tour avec la fermeture de Saarlouis ; Mondeo et S-Max/Galaxy avaient déjà tiré leur révérence. Résultat : une gamme passagers réduite et, surtout, nettement plus onéreuse que par le passé. Dans un marché européen où l’électrique progresse moins vite que prévu et où la concurrence s’intensifie, l’Ovale Bleu a perdu de sa superbe. La solution ? Rappeler un nom mythique… pour un véhicule qui change tout : un crossover compact électrifié, format Focus, pensé pour reconquérir les volumes sans renier l’EV. Vous avez dit « déjà vu » ?
Nouvelle feuille de route industrielle et commerciale
La stratégie européenne est en cours de recalibrage. Ford renonce au « tout-électrique tout de suite » au profit d’une offre multi-énergies : hybrides légers, hybrides complets, PHEV… et versions 100 % électriques quand la demande le justifie. Pièce maîtresse : un crossover de gabarit Focus attendu en 2027, assemblé à Valence (Espagne) sur une base C2 largement amortie. L’usine annonce jusqu’à 300.000 unités/an, de quoi redevenir un pilier de la gamme à l’échelle mondiale. Le modèle ne remplacerait pas le Kuga : il s’y ajouterait, afin de couvrir plus finement le segment C avec deux propositions distinctes – l’une « multi-énergies », l’autre davantage typée SUV familial (le Kuga).

Côté technique, ce futur crossover adoptera d’emblée des groupes motopropulseurs hybrides, tandis qu’une version 100 % électrique est dans les cartons pour augmenter le mix zéro-émission au fil de la décennie. Une recette déjà appliquée au Puma actuel. Ford travaille en parallèle sur une technologie REx (prolongateur d’autonomie) pour les SUV : un compromis possible pour les marchés et les clients encore réticents au tout-électrique. L’objectif est double : abaisser le ticket d’entrée de l’électrification et simplifier l’industrialisation en partageant composants et process avec le Kuga, produit sur le même site.
Le positionnement prix sera clé avec un modèle qui devrait débuter aux alentours de 35-38.000 €, à mi-chemin entre le Puma Gen-E) et l’Explorer EV, pour affronter les cadors européens et coréens (Tiguan, Sportage, Tucson). Design plus affirmé « à l’américaine », agrément de conduite soigné : Ford veut capitaliser sur ses valeurs de marque historiques (style, dynamisme, pragmatisme industriel) pour reprendre des parts à des rivaux de plus en plus nombreux… et aux nouveaux venus chinois.
L’exemple du Puma
Aujourd’hui, Ford Europe n’est plus le rouleau compresseur des années 1990 (≈12 % de parts de marché). La marque évolue autour d’un tiers de ce niveau et admet « ne pas être aussi robuste qu’il le faudrait ». Les livraisons des Explorer et Capri électriques, plus premium, repositionnent l’image mais ne suffisent pas à nourrir les volumes. Le Kuga PHEV, lui, demeure l’ancre : décliné en mild-hybrid, full hybrid et plug-in, il porte l’électrification « raisonnable » du constructeur sur le Vieux Continent, avec une clientèle flotte fidèle et des émissions moyennes contenues.
Le signal le plus net vient cependant de l’accès à l’EV : avec son tarif contenu sur le marché britannique, le Puma Gen-E a dopé de 324 % les ventes électriques Ford au Royaume-Uni au 1er semestre 2025, bien aidé par des incentives gouvernementales très attractives. Et le petit crossover électrique est en voie de devenir le modèle Ford électrique le plus vendu sur la plupart des marchés européens. Preuve qu’un prix d’appel compétitif et un format familier peuvent encore faire basculer la demande. C’est toute la logique du futur crossover « Focus » : densifier le cœur de gamme, reconnecter Ford au marché de volume et tendre un pont tarifaire entre l’EV « abordable » (Puma Gen-E) et les SUV zéro-émission plus onéreux (Explorer/Capri).

À moyen terme, la cible est claire : remonter le mix électrifié sans perdre les clients thermiques, réduire les émissions de flotte et regagner des parts jusqu’à se rapprocher des généralistes leaders (un palier à la Renault autour de 6–7 % est vu comme atteignable). Et si le badge choisi pour ce crossover n’est pas encore officiel, le retour du nom Focus – sur un crossover compact électrifié, universel, fabriqué en Europe – apparaît comme l’option la plus naturelle pour réconcilier la mémoire et le futur.
Après un « grand ménage » qui a fragilisé ses volumes, Ford revient à une équation plus européenne : plateformes maîtrisées, production localisée, offre multi-énergies et EV abordables. Le prochain crossover au format Focus doit en être l’emblème. Si le prix, l’agrément et la disponibilité suivent, l’Ovale Bleu pourrait alors reconquérir des parts de marché et se replacer au centre de l’échiquier européen.
Images : Moniteur Automobile/ChatGPT