Présentée en 2019 au Salon de Genève, la Bugatti La Voiture Noire incarne un exercice extrême de style et de personnalisation. Basée sur la Chiron, mais entièrement redessinée, elle s’offrait comme un manifeste d’élégance sombre et de puissance contenue, inspirée par la mythique Type 57 SC Atlantic disparue. Son prix fit couler beaucoup d’encre : 11 millions d’euros hors taxes, soit environ 16,5 millions avec TVA et options, ce qui en fit à l’époque la voiture neuve la plus chère du monde.

Une somme vertigineuse, à la hauteur du cahier des charges : un exemplaire unique, façonné pour un seul client. La Voiture Noire devait être la preuve qu’à Molsheim, l’artisanat automobile pouvait atteindre des sommets de personnalisation. Pourtant, quelques années seulement après sa livraison, l’auto fait déjà son apparition… sur le marché de l’occasion.
Un destin contrarié ?
Voir un propriétaire privilégié à ce point se défaire d’un one-off de cet acabit rappelle une évidence : même le modèle le plus exclusif au monde n’est pas condamné à rester figé dans un garage privé. Quelles qu’aient été les motivations initiales — passion authentique, investissement spéculatif ou quête d’image — la réalité du marché reprend ses droits. La rareté absolue devient alors un argument commercial comme un autre, destiné à séduire un nouveau collectionneur prêt à aligner une somme forcément supérieure à celle d’origine.

Dans ce cas, la symbolique est forte : l’auto censée ne jamais changer de mains illustre à son tour la logique des hypercars modernes, où la rotation des propriétaires s’accélère et où la valeur de revente fait partie intégrante de l’équation.
Entre art roulant et actif financier
Pensée comme une œuvre d’art roulante, sculptée en carbone verni et animée par le W16 de 1500 ch, la Bugatti La Voiture Noire symbolisait l’exception absolue. Sa revente rappelle pourtant qu’aucun modèle, même unique, n’échappe à la logique du marché. Elle reste l’incarnation d’un design intemporel et d’un savoir-faire hors pair, mais reflète aussi notre époque : celle où l’hypercar se vit autant comme passion mécanique que comme placement de prestige, destinée tôt ou tard à changer de mains.