L’Europe veut être neutre en carbone d’ici 2050. Les États membres et les régions fixent donc des objectifs concrets en matière de mobilité. Pour mesurer à quel point les entreprises adoptent une approche durable, Securex a développé l’indice de mobilité, un modèle scientifiquement fondé conçu en collaboration avec l’institut Vias et avec le soutien financier du SPF Mobilité.
De quoi s’agit-il exactement? «L’indice de mobilité est un chiffre qui indique si vous atteignez les objectifs de mobilité fixés par nos différents gouvernements dans leurs accords ou visions politiques. Il s’agit d’objectifs que l’État s’est engagé à poursuivre, même s’ils ne sont pas encore tous traduits dans la loi», explique Sien Van Overloop, chercheuse associée chez Securex et conceptrice de l’indice.
Comment cela fonctionne-t-il?
L’indice part du principe de la quantité de CO₂ émise par les différents moyens de transport utilisés dans une entreprise. Chaque mode de déplacement se voit attribuer une empreinte carbone calculée sur l’ensemble de son cycle de vie (de la production à la mise au rebut). Le modèle détermine ensuite la quantité de CO₂ qu’une entreprise pourrait émettre si elle respectait parfaitement les objectifs régionaux. C’est le point de référence. Les données réelles de déplacements domicile-travail sont ensuite comparées à ces valeurs. Une entreprise dont la combinaison de mobilité génère autant ou moins d’émissions que la référence obtient une note de 10 ou plus. Plus l’écart avec les objectifs est grand, plus la note est basse. «C’est comparable au certificat de performance énergétique d’un bâtiment: la loi peut imposer un B, mais un A, c’est encore mieux. Avec l’indice de mobilité, nous visons un 10, le niveau souhaité par les autorités», précise Van Overloop.
Des résultats préoccupants
L’indice, lancé l’an dernier, repose sur les données salariales de 19.626 entreprises privées belges. En septembre, Securex a publié les premiers résultats, plutôt alarmants: seule une entreprise sur huit atteint les objectifs (score de 10 ou plus). «C’est peu, mais cela montre que c’est possible, même si cela révèle le long chemin qui reste à parcourir», commente Van Overloop. La moyenne nationale est de 3,73. Trois entreprises sur quatre (76%) obtiennent moins de 5. En Flandre, cela concerne 76,4% des entreprises, en Wallonie plus de 82%, et à Bruxelles encore 57,9%. Parmi les bons élèves, les écarts régionaux sont tout aussi nets: à Bruxelles, 22,3 % des entreprises atteignent une note d’au moins 10, contre 12,7% en Flandre et 11% en Wallonie. Globalement, les entreprises situées dans ou autour des zones urbaines s’en sortent mieux: en Flandre, les meilleures moyennes sont enregistrées à Ostende (5,84), Gand (5,53) et Anvers (5,42); en Wallonie, à Namur (4,37) et Verviers (4,26). Bruxelles occupe la tête du classement, avec Saint-Gilles (6,42), Etterbeek (6,16) et le centre-ville (5,83). «Cela montre que les objectifs sont plus atteignables lorsque les infrastructures existent. La capitale bénéficie d’un réseau dense de métro, tram, bus et train: cela fonctionne, donc», souligne Van Overloop.
Des défis régionaux
D’où viennent ces mauvais résultats? Et où progresser? «Il reste beaucoup à faire sur l’électrification des voitures de société. Même si la majorité des nouvelles voitures sont électriques, une grande partie du parc roule encore aux carburants fossiles», indique-t-elle. En moyenne, 13,9% des trajets domicile-travail se font avec une voiture de société; 62,6% de ces véhicules sont encore thermiques, 13,1% entièrement électriques et 24,1% hybrides. La transition est donc amorcée, mais loin d’être achevée. «Les entreprises flamandes doivent aussi miser davantage sur le vélo», poursuit Van Overloop. «Les trajets à vélo devraient représenter 35% des déplacements, mais n’atteignent aujourd’hui que 11%. Il faut donc tripler ce chiffre. Quant aux transports publics, leur part doit être multipliée par cinq pour atteindre la cible régionale de 12%.» Chaque région a d’ailleurs ses propres priorités. La Wallonie vise 25% de déplacements en transports publics et seulement 5% à vélo; Bruxelles, 54% en transports publics et 8% à vélo, pour que seulement un quart des trajets se fasse en voiture. Ces choix se reflètent dans les résultats: à Bruxelles, 23,5% des trajets en entreprise se font déjà en transports publics.
Budget mobilité
Pour changer les comportements, le gouvernement fédéral veut rendre le budget mobilité obligatoire pour tous. Cette mesure figure dans l’accord de gouvernement, mais ses modalités exactes ne sont pas encore fixées. Van Overloop reste sceptique: «Sous sa forme actuelle, le budget mobilité est complexe et génère beaucoup de charge administrative pour l’employeur.» Selon elle, rien ne prouve qu’il entraînera un véritable transfert de la voiture vers le vélo ou les transports publics: «Il touche surtout ceux qui sont déjà convaincus. Les autres opteront simplement pour une voiture plus petite. Et quel sens a un budget mobilité s’il n’y a ni bus ni piste cyclable sécurisée? Avec l’indice de mobilité, nous voulons à la fois sensibiliser les entreprises et révéler les failles des politiques. De bonnes infrastructures sont une condition indispensable.»