Chez Porsche, on nous promet un « cockpit immersif ». Traduisez : l’habitacle du Cayenne électrique ressemble désormais davantage à la salle de contrôle d’un centre spatial qu’à la planche de bord d’un SUV sportif. Le clou du spectacle ? Le fameux Flow Display, un panneau OLED incurvé qui court sur toute la largeur, reliant combiné d’instrumentation et console centrale dans une orgie numérique. Résultat : la plus vaste surface digitale jamais vue dans une Porsche.

Le conducteur dispose d’un combiné de 14,25 pouces, censé lui offrir une vision claire sur la jauge de puissance, la navigation et les aides à la conduite. Le passager, lui, se voit gratifié d’un écran de 14,9 pouces, capable de diffuser Netflix ou de lancer une appli en pleine vitesse, sans que le conducteur en soit distrait — du moins, c’est ce qu’affirme la marque. Et pour parachever le tout, le constructeur allemand surenchérit avec un head-up display de 8,7 pouces à réalité augmentée, projetant dans le pare-brise flèches de guidage et repères virtuels comme si la route ne suffisait plus. Bref, plus qu’une planche de bord, une véritable vitrine OLED sur roues.
Connectivité et intelligence artificielle : quand la voiture singe le smartphone
Évidemment, tout cette pléthore d’affichage ne servirait à rien sans une couche généreuse de connectivité. Porsche annonce fièrement que le Cayenne électrique offre désormais streaming vidéo, gaming et services cloud, comme si l’essentiel d’un trajet consistait à transformer la voiture en salle de jeux roulante. L’argument massue ? L’assistant vocal Voice Pilot, présenté comme intelligent — comprenez qu’il comprend vos ordres même mal formulés. Chauffage, climatisation, sièges chauffants, Mood Modes, playlists Spotify, recherche d’adresse : tout s’active au son de votre voix, avec la promesse de fluidité absolue.

On notera aussi la clé digitale stockée dans votre smartphone ou votre montre connectée. Grâce à la technologie Ultra Wideband, le Cayenne détecte votre présence et s’ouvre automatiquement. Partageable avec sept personnes, comme un abonnement Netflix. À ce stade, on se demande presque si Porsche ne prépare pas une option « abonnement famille » pour l’accès au véhicule. Plus sérieusement, ce cocktail de gadgets high-tech a de quoi séduire l’acheteur fortuné et hyperconnecté… mais a-t-on encore affaire à une Porsche ou à une tablette géante posée sur quatre roues ?
Trop d’écrans tuent la route ?
La vraie question, Porsche semble soigneusement l’éviter. En misant sur cette inflation numérique, la marque prend le risque de dénaturer son ADN. Qu’est-ce qui faisait la force d’un Cayenne — voire de toute Porsche ? Une ergonomie claire, une connexion instinctive entre le pilote et la machine, un poste de conduite centré sur la route, pas sur une ribambelle d’icônes et de widgets. Or voilà qu’aujourd’hui, Zuffenhausen nous impose une overdose d’écrans. On nous parle d’immersion digitale, mais n’est-ce pas au prix d’une distraction permanente ? Dans un monde déjà saturé de sollicitations, fallait-il vraiment transformer le Cayenne en succursale d’Apple Store ?

Et l’on se prend à dresser un parallèle avec la stratégie électrique de Porsche : des ambitions mal calibrées, une gamme encore hésitante, et des choix techniques discutables. Après avoir misé trop tôt sur le virage du tout-électrique, le constructeur se rattrape ici en jouant la surenchère numérique. Mais cette fuite en avant technologique n’est-elle pas, elle aussi, une erreur stratégique ? À force de vouloir séduire la clientèle connectée, Porsche risque de perdre ce qui faisait sa singularité : l’art de fabriquer des machines à conduire, pas des salles de cinéma interactives.