Premier essai / Lucid Air Pure : un certain potentiel

Lucid Motors, vous connaissez? Cette marque américaine spécialisée dans la voiture électrique est née en 2016, aux portes de la Silicon Valley. Un an plus tard, une usine poussait en Arizona. Et en 2021, la première voiture sortait des chaînes de montage: la Lucid Air. Le modèle qui nous occupe n’est donc pas tout neuf… Il a débarqué en 2022 sur certains marchés de notre continent: Allemagne, Suisse, Pays-Bas et Norvège.

En 2023, Lucid a construit une deuxième usine en Arabie saoudite, en prévision du lancement d’un deuxième modèle: le grand SUV électrique Gravity, lancé cette année.

Carrosserie : design et dimensions Lucid Air

Cette berline a été dessinée par Derek Jenkins, un Américain qui est passé chez VW-Audi et Mazda, et à qui l’on doit notamment les Audi A2 et Mazda MX-5 ND. Côté gabarit, cette Lucid Air est proche des Tesla Model S, BMW i5 ou Mercedes EQE. Mais les concepteurs ont visé l’habitabilité d’une Classe S.

De fait, on ne manque pas d’air à l’arrière: l’espace aux jambes est princier! Le coffre impressionne aussi, avec plus de contenance que celui d’un break Mercedes Classe E thermique. Et on peut rabattre les dossiers de banquette. 

À cela s’ajoute un coffre avant, lui aussi géant, au point que l’on pourrait y enfermer un petit adulte dedans; d’où l’ajout d’une poignée permettant de l’ouvrir de l’intérieur, au cas où… Ce frunk peut aussi se relever et se rabattre électriquement, même via un smartphone.

Habitacle Lucid Air

À l’avant, la finition séduit globalement, avec de beaux matériaux, comme du cuir nappa ou des placages de bois. À part quelques plastiques durs, l’ensemble présente bien, même si on a vu mieux à ce niveau de prix. Originalité: on peut disposer de sièges de couleur différente à l’avant et à l’arrière. À vous de voir…

Mais ce qui impressionne le plus, c’est la possibilité d’opter en option (sauf sur la version de base Pure) pour un toit vitré qui recouvre pratiquement toute la partie arrière, se prolonge au-dessus de la tête des passagers avant et leur tombe même jusqu’au milieu du front, les plaçant littéralement sous une cloche de verre. Pas de store occultant sous cette glace, mais le vitrage teinté repousse bien la chaleur, comme nous avons pu le constater lors de notre essai mené sous un soleil radieux. 

Ce toit totalement vitré ne gêne en outre pas la vision des écrans. Il y en a un devant les yeux du conducteur et deux au centre, dont une tablette verticale qui peut même s’escamoter dans le tableau de bord et cache derrière elle un bac de rangement. Le multimédia est complet (Apple CarPlay est présent et Android Auto est disponible à partir de ce mois de juin via une mise à jour en ligne). La plupart des réglages se font via l’écran, mais des raccourcis physiques restent heureusement disponibles pour la climatisation.

Motorisations Lucid Air

Trois versions sont proposées actuellement: Pure (propulsion monomoteur de 442 ch/550 Nm, batterie de 88 kWh, autonomie officielle de 747 km), Touring (bimoteur, transmission intégrale, 628 ch/1.000 Nm, batterie 92 kWh, 794 km d’autonomie) et Grand Touring (bimoteur 831 ch/1.200 Nm, batterie 117 kWh, 960 km d’autonomie).

Bientôt arrivera l’exclusive Sapphire, dotée de 3 moteurs (dont deux arrière permettant une répartition vectorielle de couple), forte de 1.251 ch et offrant toujours près de 700 km d’autonomie officielle. Les performances sont décapantes dans tous les cas puisque même la version Pure réclame moins de 5 secondes pour passer de 0 à 100 km/h.

Batteries et charge Lucid Air

Lucid développe pratiquement tout en interne: de la plate-forme en alu (recouverte d’une carrosserie du même métal) aux propulseurs, qui intègrent dans un seul et même bloc compact (74 kg seulement!) le moteur lui-même, le système de refroidissement, l’onduleur avec carbure de silicium, le réducteur et même le différentiel. Les batteries NMC sont assemblées en interne, sur base de cellules fournies par Samsung (Pure) ou Panasonic (autres versions).

Les batteries fonctionnent sous 650 V (Pure), 700 V (Touring) ou 900 V (Grand Touring & Sapphire), affichant des puissances de recharge en pic de respectivement 210, 250 ou 300 kW, ce qui permettrait de récupérer dans chaque cas 400 kilomètres d’autonomie officielle en 20 minutes environ (dans les meilleures conditions).

Conduite et confort Lucid Air

Dès le départ, on remarque une certaine fermeté générale, dans le siège, le volant, la pédale d’accélérateur et la suspension (amortisseurs Bilstein pilotés, mais pas de suspension pneumatique). On est loin du toucher de route moelleux des Mercedes EQE/EQS ou BMW i5. C’est plus typé dynamique.

L’insonorisation est sans reproche (grâce notamment à des vitrages acoustiques avant et arrière) et le comportement routier est équilibré et très efficace, tant en propulsion qu’en 4 roues motrices. On aurait juste aimé un peu plus de retour d’information dans la direction. Le coup de volant d’une Lotus Emeya ou, surtout, d’une Porsche Taycan est plus consistant, et leur toucher de pédale de freins plus naturel.

Mais ces Lucid roulent vite et bien. Pour la régénération, on dispose de trois intensités (nulle, standard ou forte avec un mode one-pedal drive), mais il faut tapoter sur l’écran pour modifier le réglage. On aurait préféré des palettes au volant! Autre regret: sur les versions bimoteur, le propulseur avant siffle un peu trop (tant en phase d’accélération que de régénération).

Consommation et autonomie Lucid Air

Nous avons surtout roulé avec les Pure et Touring, montées toutes deux en pneus de 20’’ (selon la version, la Lucid Air peut recevoir des jantes de 19 à 21’’, chaussées de gommes Michelin Pilot Sport ou Pirelli P Zero spécialement développées pour elles).

Sur des parcours variés (ville, autoroute, routes de montagne), nous avons signé dans les deux cas une moyenne de 17 kWh/100 km (avec des extrêmes compris entre 10 kWh/100 km en descente et 28 en montée), ce qui est très bon vu le gabarit, la puissance et le rythme assez élevé adopté durant l’essai. Ça donne une autonomie réelle de plus de 500 kilomètres dans les deux cas. Et cette limousine aurait pu faire encore nettement mieux si Lucid avait intégré la grosse batterie de 117 kWh dans ces deux versions; mais la marque a décidé de la réserver aux variantes encore plus puissantes (Grand Touring et Sapphire).

Prix et lancement Lucid Air

Le tarif n’est pas encore fixé pour la Belgique, mais le prix sera proche de celui du marché hollandais, où la Pure débute à 88.000 € hors options (voir configurateur sur lucidmotors.com/nl). Le constructeur offre par ailleurs une garantie de 4 ans/80.000 km et de 8 ans/160.000 km sur la batterie.

Le constructeur veut aussi élargir son horizon européen, en s’implantant sur de nouveaux marchés, dont la Belgique, friande de voitures électriques. Notre plat pays intéresse aussi Lucid car il est dense et permet donc de faire un bon volume de ventes avec peu de points de distribution. Car l’un des défis de la marque est précisément de développer son réseau de distribution: Lucid était présente en janvier dernier au salon de Bruxelles, mais sans réseau, donc sans possibilité de vendre ses voitures... Le constructeur nous promet une arrivée officielle d’ici la fin de cette année.

À ce sujet, des tractations seraient en cours avec des partenaires locaux (on n’a pas voulu nous donner de noms…) pour importer la marque chez nous et y ouvrir un premier point de vente et d’entretien à Bruxelles, avant de s’élargir à Anvers et Gand, puis sans doute dans d’autres villes, nous dit-on.

Conclusie Lucid Air

Ce premier test nous prouve que Lucid est un constructeur tout aussi technologique que son compatriote Tesla, avec même une finition plus soignée et des moteurs encore plus efficients. Mais il lui manque une image de marque et aussi une vision sereine sur son avenir, qui semble actuellement un peu incertain.

La survie de Lucid dépendra surtout des ventes du tout nouveau SUV Gravity. S’il flanche, c’est tout Lucid qui risque de trébucher. Vu la motivation et la compétence de ses ingénieurs, la marque mérite un bel avenir, et c’est tout ce qu’on lui souhaite.