Pour Alpine, la survie impose de se départir de la monoculture A110 et l’avenir s’écrira en électrique. Il y eut d’abord l’A290 basée sur la Renault 5 E-Tech Electric mais qui offrait plus de puissance et récupérait certains composants de la petite berlinette maison. Bref, pas de quoi faire exploser les chiffres de production. Dès lors, Alpine ajoute une nouvelle corde – plus stratégique – à son arc avec l’A390. L’objectif est clair : refaire le coup du Porsche Cayenne pour le constructeur bleu-blanc-rouge.
Il s’agira du premier crossover de la marque, de la première Alpine familiale – accordons-nous sur l’exiguïté contraignante de l’A290 – et le premier modèle maison à transmission intégrale. Autant de caractéristiques inédites qui ne doivent cependant pas nuire à la pérennisation de l’esprit Alpine défini par l’A110. Autant dire que le défi est de taille !
Design et dimensions Alpine A390 GTS (2025)
Jusqu’à présent, la plus grande Alpine de l’histoire était l’A610 dont la production prit fin en 1995 et qui s’étirait sur 4415 mm pour deux places seulement. Avec 4615 mm de long, 1885 mm de large et un pavillon hissé à 1532 mm, cette nouvelle Alpine vient se placer juste en dessous d’un Porsche Macan en termes de gabarit et se rapproche davantage d’une Hyundai Ioniq 5 N. Pourtant, Alpine désigne surtout les Audi Q4 e-Tron Sportback, BMW iX2 et Cupra Tavascan VZ comme concurrents directs. Soit.

Point commun avec ceux-ci, le look fastback du crossover français qui réinterprète les codes stylistiques de l’A110 pour assurer l’esprit de famille : signature lumineuse en quatre éléments - ici complétée d’une nuée de triangles baptisée Cosmic Dust - capot nervuré, pli caractéristique des flancs et lunette arrière en visière de casque. Le résultat global est plutôt équilibré et exhale une vraie personnalité.
Habitacle et coffre Alpine A390 GTS (2025)
Avec ses dimensions inédites pour une Alpine, l’A390 se donne les moyens d’accueillir dignement cinq personnes – disons plutôt quatre adultes et un « sacrifié » au centre de la banquette – qui profitent de l’empattement de 2708 mm pour prendre leurs aises tandis que le coffre de 532 l permet d’envisager les vacances en famille.

L’habitacle assume son positionnement premium, fait de matériaux soignés et d’assemblages irréprochables, mais l’agencement des écrans disposés en L couché rappelle trop certaines Renault. L’ergonomie non plus n’est pas parfaite : la commande de boîte se réduit à trois boutons (D, N/P et R), dont la logique prête parfois à confusion. Le volant à double méplat, inspiré de la Formule 1, intègre deux molettes : à gauche pour régler la régénération, à droite pour les modes de conduite, ainsi qu’un bouton rouge « OV » (Overtake) offrant un boost instantané. Magnifique à regarder, moins intuitif à l’usage. Le passage d’un mode à l’autre exige de défiler successivement dans tout le menu, une manipulation fastidieuse en conduite dynamique. Quant à la molette de régénération, elle procure un ressenti mécanique plaisant mais impose de lâcher une main ; des palettes au volant auraient été plus pertinentes.
Pour le reste, l’interface Android Automotive OS fait merveille : fluide, claire, avec navigation intégrant la charge et les bornes disponibles. Des commandes physiques pour la climatisation et (dés)activer les aides à la conduite complètent un environnement numérique à la fois rationnel et élégant. Au final, le cockpit distille une ambiance GT en adéquation avec l’image d’Alpine.
Spécifications et performances Alpine A390 GTS (2025)
Pour développer sa première « familiale », Alpine n’a pas eu le droit de créer sa propre plateforme. Les ingénieurs sont donc partis de la base AmpR Medium, déjà utilisée par les Renault Mégane et Scenic électriques. Ils ont d’ailleurs conservé l’empattement de la première mais ont revu les liaisons au sol en profondeur avec des sous-châssis en aluminium profondément rigidifiés et des triangles du même métal pour réduire les masses non-suspendues tout en équipant l’A390 d’amortisseurs à butée hydraulique spécifiques et d’un essieu arrière multibras spécifique. Point de suspension pilotée mais un système passif bénéficiant de l’expertise développée avec l’A110.

Surtout, le crossover de Dieppe adopte une transmission intégrale confiée à un moteur synchrone à rotor bobiné sur l’essieu avant et deux moteurs synchrones à aimant permanent développés en interne à l’arrière, chacun étant dédié à une seule roue et offrant une fonctionnalité de vectorisation de couple sans différentiel. Les trois moteurs développent individuellement 115 kW mais l’unité antérieure fournit un couple maximal de 300 Nm contre 262 Nm pour chacun des moteurs arrière. Il en résulte une puissance combinée de 345 kW/470 ch avec une répartition 1/3-2/3 entre l’avant et l’arrière et un couple maximal de 824 Nm. Un potentiel qui permet de propulser les 2121 kg en état de marche de notre version GTS de 0 à 100 km/h en 3,9 s tandis que la vitesse maximale est limitée à 220 km/h. L'autre variante, l'A390 GT, se contente de 400 ch et 661 Nm et annonce 4,8 s et 200 km/h respectivement.
Batterie, autonomie et charge Alpine A390 GTS (2025)
Développée avec le partenaire Verkor, la batterie de 89 kWh diffère de celle utilisée par Renault, par la chimie des cellules dont la densité énergétique a été améliorée ainsi que son refroidissement optimisé. Elle doit permettre une autonomie WLTP variant de 503 km (notre GTS avec jantes de 21’’) à 555 km (avec les jantes de 20’’). Cependant, Alpine fait le choix d'équiper les deux variantes de l'A390 du même pack.

Limitée par son architecture électrique en 400 V, la recharge rapide peut se faire jusqu'à un maximum de 190 kW, ce qui doit permettre de passer de 15 à 80 % en 25 minutes (comptez 29 minutes pour l'A390 GT, limitée à 150 kW). En courant continu, l'A390 est équipé d'un onduleur permettant une recharge jusqu'à 11 kW (en triphasé) de série, mais peut passer à 22 kW en option.
Conduite et confort Alpine A390 GTS (2025)
Toutefois, les valeurs théoriques sont une chose, et pour alléchantes qu’elles paraissent, elles ne doivent pas occulter l’objectif premier de cette Alpine A390 : transposer l’esprit d’une A110 dans un véhicule capable d’emmener cinq personnes et leurs bagages en ne sacrifiant ni le confort ni la facilité d’usage au quotidien. Une tâche ardue, voire utopique, quand on sait que l’A390 accuse plus d’une tonne supplémentaire sur la balance. Autant trancher net : la légèreté et l’agilité naturelles de la berlinette ne sont pas égalées. Nul n’échappe aux lois de la physique, pas même Alpine.

Cela acté, restait à voir si les metteurs au point avaient réussi à imprimer au crossover le feeling propre à l’A110. Sur ce point, la mission est réussie. Les ingénieurs ont reproduit la montée en effort de la direction, le retour de force et la course de la pédale de frein de la berlinette. Ajoutez la réponse instantanée de l’accélérateur offerte par les moteurs électriques et vous obtenez un cocktail réjouissant, capable d’effacer virtuellement la masse une fois le rythme soutenu. On retrouve alors cet appétit pour les courbes si typique d’une Alpine. L’A390 se balance avec entrain, profitant d’un train avant précis et stable, un peu plus avare en ressenti mais mordant volontiers le point de corde, tandis que l’arrière enroule avec une mobilité entretenue – voire amplifiée en modes Sport ou Track – par la vectorisation de couple opérée via les deux moteurs arrière.
Alpine a choisi de n’agir que sur le couple positif : la roue extérieure accélère le mouvement de lacet plutôt que la roue intérieure ne le freine. Résultat : un comportement joueur, naturel, qui invite à l’arsouille. En attendant de la confronter à un Porsche Macan 4S ou une Hyundai Ioniq 5 N, la française convainc sur un point : c’est elle qui inspire la confiance la plus immédiate pour aller vite sur une route inconnue. En cela, elle reste fidèle aux fondamentaux de l’A110.

Notre découverte sur des routes aussi grasses que sinueuses a toutefois révélé quelques bémols. Outre les défauts d’ergonomie déjà évoqués, la pédale de frein présente une dureté variable selon l’intensité de régénération ; les distances de freinage n’en pâtissent pas, mais le feeling, oui. Les sièges pourraient offrir un meilleur maintien dorsal en conduite active, et l’absence d’un affichage tête haute se fait sentir. En revanche, le confort de suspension s’avère impérial et l’insonorisation remarquable permet de savourer la qualité de l’installation audio Devialet, d’autant plus appréciable dans une voiture électrique où le silence sert d’écrin à la musique.
Prix Alpine A390 GTS (2025)
Sur le plan tarifaire, Alpine adopte un positionnement judicieux. En Belgique, l'entrée de gamme A390 GT de 400 ch est affichée à partir de 67.500 € tandis que notre version GTS réclame un minimum de 78.000 €. une somme déjà conséquente dans l'absolu, mais qui doit être relativisée. Par exemple, un Audi Q4 Sportback e-tron de 340 ch débute à 67.330 €, un BMW iX2 xDrive30 de 313 ch à 60.500 € et un Cupra Tavascan VZ développant lui aussi 340 ch seulement nécessitera un minimum de 76.200 €. Autant dire que l'Alpine passe pour une sacrée affaire en comparaison. Par contre, une Hyundai Ioniq 5 N est affichée à partir de 74.999 € avec 650 ch "sous le capot".
Verdict Alpine A390 GTS (2025)
En proposant un crossover électrique de plus de deux tonnes, Alpine prend un sacré risque avec l’A390. Mais le constructeur français s’en sort avec un certain brio et parvient à retranscrire l’esprit Alpine empreint d’une sensation d’agilité naturelle et de légèreté, certes virtuelle. Le tout dans un écrin de familiale bien confortable et spacieuse. Reste un défi, immense, à relever : convaincre les clients de l’essayer !
