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Premier essai / Porsche Taycan : Nouvelle ère

Rédigé par David Leclercq le

L’arrivée de la Taycan est un événement. Parce que de par son appartenance à une marque sportive qui a fondé toute son histoire autour de brillants moteurs thermiques, elle concentre à elle seule toute la symbolique de l’évolution du secteur automobile des prochaines années.

Le concept

La « révolution » électrique trouve moins sa source dans les préoccupations écologiques de la clientèle ou que dans les généreux incitants fiscaux octroyés par les États. En effet, il est surtout absolument nécessaire pour les constructeurs de répondre à court terme à des normes CO2 nettement durcies. Si l’année 2021 voit la moyenne en dioxyde de carbone d’une gamme ramenée à 95 g/km, il faudra encore améliorer ce score de 15% à l’horizon 2025 et de 37,5% en 2030 (comparé à 2021 toujours). Autant dire qu’il n’y a pas le choix : la voiture électrique représente l’unique solution pour les marques automobiles, a fortiori lorsqu’elles sont sportives et donc plus émettrices de gaz à effet de serre. L’arrivée de la Taycan (et de sa sœur break, le Cross Turismo dès la fin 2020) ne s’apparente du coup nullement à une démarche historique qui viserait à ressusciter la fameuse Lohner-Porsche de 1899, mais plutôt à une marche forcée à laquelle personne n’échappe.

Ce qui change

Porsche ne s’est pas contenté de reconduire les technologies existantes des voitures électriques d’aujourd’hui et l’essentiel des promesses d’innovations avancées lors de la présentation du concept Mission E en 2015 ont été tenues. C’est notamment le cas du pack de batterie fonctionnant sous une tension de 800 V, soit le double de ce qui est actuellement pratiqué. Résultat : une puissance de charge plus élevée qui aboutit à des temps de régénération plus courts. Du point de vue de l’architecture, il faut organiser des rangées de 200 cellules (LG Chem) en série – plutôt que 100 chez la concurrence. Elles sont elles-mêmes regroupées en 33 modules (de 12 cellules chacun, soit 396 cellules) qui déterminent un pack d’une capacité totale de 93,4 kWh, soit une capacité réelle utilisable de 83,7 kWh une fois la réserve vitale soustraite.

Porsche joue sur les mots et laisse comprendre que la recharge peut atteindre les 350 kW. Ce qui n’est pas tout à fait vrai. En réalité, la Taycan est compatible avec le réseau Ionity qui offre une tension de 800 V et une puissance de recharge qui va jusque 350 kW. Mais elle n’atteint toutefois pas cette valeur. Pourquoi ? Parce que l’ampérage du pack est bridé à 335 A. Dès lors, la formule mathématique qui veut qu’on multiplie la tension (U en volts) par l’intensité (I en ampères) pour obtenir la puissance débouche sur un chiffre de… 270 kW au mieux. Porsche ne tourne pas autour du pot et explique que cette limitation permet de réduire la chaleur dégagée lors des recharges rapides tout en limitant les échauffements lors des fortes sollicitations (performances). Et qui dit moins de chaleur, dit forcément plus de sécurité, de longévité. Mais, franchement, de quoi se plaint-on ? Une puissance de 270 kW constitue une valeur inédite et exceptionnelle ! Il ne faut en effet que 22 minutes pour faire passer la batterie de 5 à 80% ! Autant dire que sur l’autoroute, ça laisse à peine le temps d’avaler un burger. Une expérience du reste vécue lors de cette première prise en main. En dehors du réseau Ionity (150 stations en Europe, 400 prévues pour fin 2020, mais seulement 3 en Belgique), la recharge de la Taycan exigera plus de patience. Comptez 31 minutes pour récupérer 100 km d’autonomie sur une borne en courant continu de 50 kW. Un chargeur optionnel à permet de se brancher sur des bornes de 400 V (95% de l’infrastructure) allant jusqu’à 150 kW. Toujours avec une installation de 50 kW, il faut 93 minutes pour « remplir » le pack à 80% tandis qu’à domicile ou au bureau, il faudra tabler sur 9h pour faire le plein à 100% sur une borne en courant alternatif de 11 kW. C’est d’ailleurs la petite déception de cette Taycan : le chargeur embarqué ne monte pas jusque 22 kW comme c’est le cas (option) sur un Audi e-tron par exemple. Enfin, opérer une recharge à domicile sur une prise domestique monophasé (3,7 kW) exige presque une semaine de vacances vissé(e) à son transat au bord de la piscine (plus de 40 heures).

Pour son lancement, la Taycan est déclinable en deux versions : la Turbo et la Turbo S. Ce sont deux moteurs synchrones à aimants permanents qui propulsent la Taycan. Les deux modèles développent la même puissance nominale de 625 ch, mais proposent chacun des fonctions overboost différenciées : pendant 2,5 s, puissance et couple de la Taycan Turbo peuvent passer à 680 ch et 850 Nm alors que les valeurs de la Turbo S atteignent respectivement 761 ch et 1050 Nm ! Du coup, malgré un poids imposant (2300 kg en moyenne, dont 650 kg rien que pour le pack de batterie), la Taycan exécute des performances habituellement observées autour de Cap Canaveral : 3,2 s pour le 0-100 km et 10,2 s pour le 0-100 km/h pour la Turbo ; 2,8 s pour le 0-100 km/h et 9,8 s pour le 0-100 km/h pour la Turbo S. Autre innovation : une boîte à deux vitesses à l’arrière : une première courte et une deuxième qui n’est pas plus longue, mais simplement « normale » et qui a pour objectif d’aller chercher ces accélérations éclair. C’est réussi !

Comment ça roule

La batterie est installée dans le plancher ce qui implique un centre de gravité ultra-bas. Vu la masse, le comportement n’en devrait être qu’aidé. Côté châssis, on a évidemment droit à tous les raffinements habituels : double triangulation en alu à l’avant, amortissement piloté PASM de série à l’instar de la suspension pneumatique, 4 roues directrices, PTV+ et, sur la Turbo S, les freins carbone-céramique (5380 € sur la Turbo). Reste le contrôle actif des barres antiroulis ou PDCC, optionnel sur les deux modèles (3581,60 €). Dernier détail : la version Turbo S dispose aussi d’un inverseur redimensionné pour permettre les situations de survirage de puissance. Porsche a vraiment pensé à tout !

On trouve  rapidement ses marques au volant de la Taycan, même si la position de conduite aurait pu être meilleure. Elle est un peu haute. Démarrage et… silence ! Notre programme d’essai nous contraint de nous limiter à la Turbo, ce qui n’est déjà pas si mal. Avec la suspension pneumatique, le confort est tout bonnement excellent, même avec les roues de 20 pouces : le filtrage est doux et finalement assez proche de celui d’une Panamera.

On apprécie par ailleurs les commandes et en particulier la direction, modèle de progressivité, de douceur et de communication. Par contre, la pédale de frein restitue un ressenti un peu différent imputable manifestement à la fonction de régénération. En phase de freinage, les moteurs électriques sont utilisés comme générateurs et ils interviennent dans 90% des ralentissements avec une puissance de régénération qui va jusque 250 kW. Jusque là, il n’y avait qu’à applaudir. Sauf qu’au lever de pied, lorsqu’on relâche complètement la pédale des freins, il y a un micro seconde d’inertie, quelques dizaines de millièmes pendant lesquelles la voiture se trouve encore « retenue » par la fonction de régénération. Le relâchement apparaît donc comme très légèrement déphasé. Une caractéristique qui nous a dérangés, mais que nos collègues n’avaient pas remarquée.

Bonne nouvelle en revanche : la Taycan se comporte comme une vraie Porsche. Tous les ingrédients de conduite d’une Panamera, voire d’une 911 sont réunis : spontanéité dans les changements d’appui, stabilité, maîtrise et, évidemment, efficacité. Les pneumatiques Michelin ne sont d’ailleurs pas étrangers à ce bilan, offrant un grip étonnant sur les revêtements détrempés alors qu’ils doivent aussi en théorie être caractérisés par une très faible résistance au roulement. Du beau travail.

La machinerie électrique répond bien entendu à la moindre sollicitation, mais toujours avec beaucoup de linéarité. La Taycan est une limousine bien élevée et pas un saltimbanque. Lorsqu’on appelle la puissance via les modes Sport ou Sport Plus, c’est un véritable déferlement de newtons-mètres qui s’abat sur le bitume. Et un tourbillon de g qui vous soulève l’estomac.

Budget

C’est clair, la Taycan n’est vraiment pas donnée. Surtout si l’on compare avec une Tesla Model S Long Range et Performance (c’est-à-dire une P100D) qui est facturée aujourd’hui 104.700 €. La Turbo démarre à 157.844,50 € et la Turbo S à 191.724,50 €. Autant dire qu’il y a une solide différence et qu’il faudra en outre ouvrir son porte-monnaie pour disposer de certains équipements qui semblent obligatoires (le chargeur AC de 150 kW/400 V par exemple). Bref, Porsche reste fidèle à sa réputation sur ce point même si on se doute que l’argument de la tension de la batterie de 800 V (et la rapidité de recharge qui va avec) pèse comme un solide argument.

Notre verdict

Porsche ne révolutionne pas le secteur de la voiture électrique – ça, c’est Tesla qui l’a fait.  L’arrivée de la Taycan symbolise surtout l’entrée de la voiture de sport dans une nouvelle ère. Comme on pouvait s’y attendre, cette berline a été bien conçue et développée avec l’intelligence tandis qu’elle apporte même deux ou trois innovations à l’édifice de la voiture électrique (tension de 800 V pour le pack et boîte 2 rapports). Mais ce qui plaira sans doute le plus aux inconditionnels, c’est le fait que cette berline dégage une empreinte et des attitudes absolument en phase avec celles des autres produits de la gamme. Voilà qui explique pourquoi elle est déjà si courtisée. Porsche a même du revoir ses plans à la hausse, passant d’une production de 20.000 unités annuelles à 30.000.

Dans cet article : Porsche, Porsche Taycan

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